Le 50-50 de Dohmen et Boccard (Red Lions): "Vanasch est plus fort que Thibaut Courtois !"
Rencontre avec deux médaillés d’argent aux derniers JO de Rio : Gauthier Boccard, buteur sur un exploit individuel en finale, et le capitaine John-John Dohmen !
- Publié le 14-09-2016 à 11h30
- Mis à jour le 14-09-2016 à 12h40
Rencontre avec deux médaillés d’argent aux derniers JO de Rio : Gauthier Boccard, buteur sur un exploit individuel en finale, et le capitaine John-John Dohmen !
Pour ce nouvel épisode de notre rubrique 50-50, c’est dans les installations des Waterloo Ducks que nous avons rencontré les deux Red Lions fraîchement revenus de congés après avoir fait rêver toute une nation avec une finale historique au Brésil face à l’Argentine. Deux jeunes garçons qui reprenaient doucement mais sûrement la route de la division d’honneur après la folie estivale des JO. Pour eux, une chose est certaine : il y aura un avant et un après Rio. Et ils mettent en garde le monde du hockey. "Si on veut que les Red Lions poursuivent leur bons résultats, ce sport doit devenir professionnel…" Voilà qui ne peut être plus clair et direct comme discours. A l‘image de ce long entretien qu’ils ont accepté de nous accorder !
1 | Après votre retour en Belgique en héros, le contre-coup n’est pas trop difficile à digérer ?
Gauthier Boccard : Oui, on redescend sur terre doucement mais on a eu pas mal d’happenings comme le Mémorial Van Damme qui nous occupent encore, donc on reste sur la vague.
John – John Dohmen : Personnellement je reprends mes études. La plupart des joueurs se lancent dans de nouveaux projets et reprennent ceux qu’ils avaient mis entre parenthèses.
2 | Quelle évolution observez-vous par rapport à votre retour de Londres par exemple ?
J.-J. D. : On est beaucoup plus médiatisés. C’est beaucoup mieux depuis plusieurs années mais là grâce à cette médaille aux JO, je pense que le hockey va enfin avoir une place plus importante.
G.B. : On ne réalise pas encore tout à fait mais on ressent quand même un certain engouement depuis notre retour.
3 | 20 jours après cette finale perdue aux JO de Rio, quel sentiment prédomine ?
G.B.: Quand je repense à la finale, il n'y a que de la déception me vient. On avait tout en mains pour réussir mais voilà on dit toujours que le hockey se joue sur des détails. Là, les détails c’étaient les penalty corners (offensifs et défensifs).
J.-J. D.: Je préfère carrément ne plus y repenser à cette finale. C’est trop dommage ! On a raté des immanquables donc on peut nourrir des regrets sur la finale mais pas sur le tournoi. Même pas du tout !
4 | Pas de cauchemars ou de sueurs froides pendant la nuit malgré tout ?
J.-J. D. : Ca me travaille beaucoup, mais j’essaye de me dire que cela aurait pu arriver avant et que ça aurait pu mal tourner pour nous plus tôt dans le tournoi. Mais c’est bien sûr très difficile d’accepter une défaite en finale…
G.B. : Quand tu te refais le match dans la tête, il y a des regrets qui persistent. Si on avait fait ça à tel ou tel moment, peut-être que…
5 | Avec du recul, qu’est ce qu’il vous a manqué lors de cette finale ?
J.-J. D. : Pas grand-chose. On a dominé le match dans la possession alors que l’Argentine a beaucoup défendu. Ils ont quatre occasions pour quatre buts quasiment. Nous, au contraire, sur nos nombreuses entrées de cercle et p.c. offensifs, on a clairement manqué d’efficacité. Dans le fond de jeu, on a livré une prestation très correcte mais il manquait un petit truc.
G.B. : Un autre aspect qui a sans doute joué, c’est que tout le stade était avec eux. C’était un enfer sur le moment même. Avec du recul, on en gardera un souvenir extraordinaire mais c’était impressionnant, les supporters chantaient non-stop et on a ressenti que cela les avait survolté…
6 | Le douzième homme a donc eu un rôle important…
J.J.D. : Il faut souligner que cette atmosphère, on l’a découverte en finale. Avant cela, dans le tournoi, on a disputé plusieurs rencontres dans des stades clairsemés ou du moins où l’ambiance était moindre. Du coup, c’était assez perturbant et cela fait partie des petits détails qui ont compté.
G.B. : Mais il ne faut pas en faire une excuse par rapport à la défaite. C’est un aspect qu’on observe par après lorsqu’on compare avec nos matches précédents où tout roulait pour nous.
7 | Personnellement, vous n’avez pas à rougir : Gauthier vous avez inscrit un but de classe mondiale, John-John vous avez répondu présent.
J.J.D. : Là où on doit être satisfait, c’est si on regarde comment le groupe a répondu sur l’intégralité du tournoi. Et là-dessus, le constat est très positif et tous les joueurs ont très bien joué et étaient contents de leur tournoi.
G.B. : C’est aussi la force de notre collectif, c’est qu’individuellement tout le monde était au top. Il n’y avait pas de gros écarts de forme entre les joueurs, il n’y a personne qui était vraiement en méforme. Tout le monde a joué à son niveau.
8 | Vous êtes-vous revu depuis avec Luca Masso (Le petit-fils d’Eddy Merckx qui a remporté la médaille d’Or avec l’Argentin) et avez-vous reparlé de cette finale historique ?
G.B. : C’était assez spécial juste après le match. Il se rendait compte qu’il nous enlevait notre rêve mais on est très content pour lui. Depuis, on s’est revu et tout se passe dans le respect.
J-J-D. : C’est dingue, car il n’était pas Argentin il y a un an. Il a fait ce choix et ce pari et il a vécu un réel conte de fée puisqu’il a pu jouer la finale suite à des blessures de ses coéquipiers, sinon il était réserviste.
9 | Comment analysez-vous vos trajectoires respectives ?
J-J-D. : Lui, c’est un choix qu’il a fait et son coup de poker a payé. C’est magnifique et très bien joué de sa part. Pour nous, on peut dire que c’est une médaille de travail et un projet collectif qui est récompensé.
G.B. : Le projet d’obtenir une médaille à Rio remonte à de nombreuses années. Imaginez si on l’avait manquée, ça aurait été un coup dur et le hockey aurait pu subir une vilaine chute…
10 | Pour certains observateurs, le statut de favori vous a été préjudiciable...
G.B. : Non, honnêtement je ne pense pas. Là où ça a dû jouer un rôle, c’est que notre objectif de gagner une médaille était déjà atteint. Lors de la victoire en demie, on a pu voir des réactions inattendues et incroyables de certains joueurs. Du coup, on est arrivé en finale sur la vague de l’excitation mais seulement avant le match…
J.-J. D. : Je crois que ce qui a joué c’est qu’on a dépensé énormément d’énergie et laissé beaucoup d’influx nerveux en demie alors que l’Argentine moins. D’ailleurs ça s’est vu tout le tournoi, les équipes qui avaient laissé beaucoup d’influx au match précédent perdaient au suivant. Que cela soit l’Allemagne, la Hollande contre nous à cause de l’Australie…
11 | En demie, face aux Pays-Bas, vous avez pratiqué un hockey monstrueux. Le meilleur depuis que vous évoluez avec les Red Lions ?
J.-J. D. : On peut le dire. C’est un match incroyable, à tous les niveaux.
G.B. : Oui. En même temps, j'ai trouvé le premier match contre la Grande-Bretagne extrêmement abouti également. Mais c’est clair que battre la Hollande pour la première fois en tournoi…
12 | Vanasch comparé à Courtois, Boon à Hazard : ça vous fait sourire ou vous trouvez ça flatteur ?
J.-J.D. : Je pense que Vanasch est plus fort que Courtois. Vanasch c’est le meilleur gardien du monde, Courtois il ne l’est pas. Même si Courtois reste très, très fort. Cela reste mon avis personnel.
G.B : C’est juste drôle de comparer mais on n'y prête pas beaucoup d’attention. Ça n’a pas beaucoup d'intérêt de comparer le foot et le hockey... Certes, c’est un sport collectif de 11 contre 11 mais il y a d’énormes différences.
13 | Mais vous, au moins, vous avez atteint vos objectifs lors du tournoi olympique... Qu'avez-vous pensé de l’Euro des Diables rouges ?
G.B. : Déçu dans l’ensemble mais j’ai trouvé que les critiques étaient parfois excessives même si il y a des choses à redire. Il faut se rappeler d’où ils viennent. Il ont livré une bonne Coupe du monde il y a deux ans mais on les mis comme ultra-favoris pour l'Euro. Contre l’Italie au premier match, on a vu ce que c’était un groupe soudé et une équipe qui sait ce que c’est de gagner des titres, qui connaît ce type de rendez-vous. Alors oui, en quarts, ils déconnent mais le scénario ressemble un petit peu à notre match contre l’Argentine…
J.-J.-D. : Au foot, c’est vrai aussi qu’ils jouent beaucoup moins de matches en équipe nationale que nous. Et c’est dommage qu’ils n’aient pas saisi leur chance avec le groupe qu’ils ont. J’ai l’impression qu’ils ne se disent pas : "J’ai peu de matches pour me montrer en équipe nationale, je vais tout donner".
14 | Vous pointez donc un manque d’envie ?
G.B. : Je dirais plutôt que ça manque de passion. Et puis, tout ce qui est est dit à leur sujet est exagéré. Après un match médiocre contre l’Espagne où on les démonte, on les présente comme la meilleure équipe du monde après avoir battu Chypre. Il suffit de regarder les cotes dans les journaux, ils étaient tous vus comme les meilleurs du monde…
J.-J. D. : Le public et les médias ne jouent pas un bon rôle non plus. Ils donnent beaucoup trop d’importance à la moindre victoire ou contre-performance…
15 | Par rapport à la surexposition des Diables, vous profitez sans doute de plus de sérénité…
J.-J. D. : On est fort critiqué parfois aussi.
G.B. : Oui mais jamais au même niveau que le foot, ça reste incomparable. Il y a beaucoup d’autres avantages qui suivent pour eux, c’est un autre monde.
16 | Ce sont deux sports différents bien entendu mais vous voyez des choses, des erreurs qui pourraient se produire chez les Lions ?
G.B. : On n’envisage pas les aspects techniques et tactiques de la même façon. Par exemple, si on observe un pressing des attaquants, on va se dire ‘qu’est ce qu’il fout pourquoi il n’y va pas plus à fond ?’. Parce que dans le foot, c’est comme ça, ils doivent jouer 90 minutes. Niveau distance, on va courir autant mais avec des efforts différents.
J-J. D. : Moi je trouve que c’est vraiment dommage qu’ils ne puissent pas faire autant de changements qu’ils veulent, comme c’est le cas au hockey. Parce que du coup ça les oblige à se retenir. C’est moins spectaculaire, ça se voit et ça énerve.
17 | Le hockey a réalisé de nombreuses modifications ces dernières années pour fluidifier et améliorer le jeu. Quelle serait la mesure à adopter d'urgence en football ?
J-J.D. : La vidéo, il la faut absolument car il y a des erreurs d’arbitrage mais ce n’est pas de la faute des arbitres, c’est juste trop difficile à voir. Les moyens de captations permettent de corriger cela désormais…
G.B. : Sur les cartes jaunes, le système de cartes est débile au foot. A l’Euro, un joueur avait pris un match de suspension alors qu’il n’avait écopé de deux cartons après 4 ou 5 matches, je pense. Alors que pour un défenseur, c’est inévitable… Ou alors il y a du calcul pour la prendre. Au hockey, c’est un comité de discipline qui analyse comment a été prise la carte avant de donner la sanction, c’est du cas par cas.
18 | Que pensez-vous de la mini polémique sur le fait que les Red Lions chantent à pleins poumons la Brabançonne et pas les Diables ? Devrait-on rendre la connaissance des paroles obligatoires dès le plus jeune âge en équipe nationale ?
J.-J. D. : Ce qui est dommage avant tout c’est que les gens en général ne connaissent pas l’hymne national. Si vous allez aux Etats-Unis ou ailleurs, tout le monde le connait par cœur.
G.B. : C’est dommage que les Diables ne la chantent pas mais c’est un signe qui tend à montrer qu’on est fier de porter le maillot même si je suis sûr qu’ils en sont fiers. Mais même pour leur image, qu’est-ce que ça leur change ?
19 | Où et quand l'avez-vous appris ?
J.-J. D. : Personnellement, je l'avais appris à l’école, en arrivant. En 2007, on a décidé de mixer les paroles en français et en néerlandais. C’est une initiative des joueurs à la base qui nous paraissait logique.
G.B. : Je l’ai appris en arrivant dans l’équipe, comme beaucoup d’autres.
20 | Vous soutenez donc le défi lancé aux Diables par votre coéquipier Elliot Van Strydonck ?
J.-J. D. : Oui tout à fait, d’ailleurs je pense qu’on va leur lancer un défi officiel. Mais je doute qu’ils y répondent.
G.B. : Je pense que l’initiative d’Elliot était bonne mais la manière pas terrible en tous cas il ne s’en est pas rendu compte tout de suite.
J-J. D. : Mais si il savait ! (rires)
21 | Avez-vous des contacts privilégiés avec certains des Diables et avez-vous reçu des messages de félicitations de leur part suite à votre médaille ?
J.J. D. : Pas de contacts privilégiés mais certains comme Courtois ou Batshuayi nous ont envoyé des messages. Et c’était très chouette et agréable à recevoir.
G.B. : Il y a eu aussi Vertonghen.
22 | Revenons-en au volet sportif, pour vous, quel a été le meilleur Red Lions sur le terrain pendant les JO ?
G.B. : Arthur Van Doren, je m’y attendais et Felix Denayer m’a agréablement surpris. Il s’est sublimé.
J.-J. D : Tous nos attaquants étaient exceptionnels. Simon Gougnard a réalisé une entame de tournoi magistrale. Stockbroekx a été très, très fort. Vanasch fait un des meilleurs matches de sa carrière contre les Pays-Bas. Il y en a plein…
23 | Toutes équipes confondues, le meilleur joueur du tournoi ?
G.B. : Sur l’efficacité c’est Peillat qui s’est révélé. Sinon sur le niveau global, Arthur Van Doren.
J.-J. D. : Furste a livré un gros tournoi également.
24 | Tous sports confondus, l’athlète qui a le plus marqué cette olympiade ?
G.B. : Phelps et Bolt, tout simplement.
J.-J. D. : Phelps !
25 | Vous parvenez à suivre les autres compétitions pendant les JO ?
J.-J. D. : Franchement non, c’est quasi impossible. Au-delà de notre emploi du temps très chargé, on n’a pas accès aux médias aussi facilement qu’ici avec les commentaires "belges" qui vont avec.
G.B. : Même si on avait un salon avec une TV qui retransmettait toutes les compétitions mais ce n’est pas la même chose que de les suivre à la maison, c’est clair.
26 | Shane McLeod, que vous connaissez bien pour l’avoir eu comme coach au Watducks, s’est-il révélé comme le meilleur T1 à la tête des Lions depuis que vous y évoluez ?
G.B. : C’est le meilleur dans plein de domaines, mais je pense qu’avant tout il est arrivé au bon moment. Et puis il faut souligner aussi l’apport de Michel van den Heuvel qui dirigeait les séances quotidiennes et qui remplissait les libertés tactiques que Shane laissait par son savoir.
J.-J. D. : Là où il a été le meilleur, c’est qu’il a vu ce dont on avait besoin et il nous a apporté au niveau de la mentalité. Et ça, très peu de coaches le voient. Tactiquement, Delmée était sans doute plus fort. Sinon je suis d’accord, van den Heuvel a été précieux. L’avoir recruté, c’est le meilleur choix de Shane à la tête des Lions. C’est la révélation du staff et ils ont été très complémentaires.
27 | Par rapport au foot, une force de la fédé et de l’équipe nationale n’a-t-elle pas été de rapidement se remettre en question et d’oser des changements radicaux à moins d’un an des Jeux ?
J.-J. D. : Après l’échec à l’Euro 2015 à Londres, les joueurs ont demandé certaines choses au staff qui étaient à prendre ou à laisser. On s’est demandé : faut-il changer de coach ou que le coach change ? Mais finalement, Delmée, le coach de l’époque, a dit : ‘Je ne veux pas changer, je ne le sens pas’ et on a changé d’entraîneur.
G.B. : C’est vrai que la Fédé était très à l’écoute de nos envies. On ressentait qu’on avait besoin de faire ça pour atteindre notre objectif. Si on continuait comme ça, on allait droit dans le mur. Les leaders du groupe à ce moment-là ont bien géré même s’il y avait des petites divergences au sein du groupe.
28 | Facile à dire après coup, mais c’est peut-être à ce moment-là que vous la gagnez, cette médaille aux JO ?
G.B. : Peut-être bien mais ça aurait aussi pu ne pas amener ce que cela a apporté au final.
J.J.D. : C’est clair que cela a été une étape décisive sur notre chemin jusqu’au podium olympique.
29 | Et au final, ce nouveau format ne vous a pas vraiment avantagé ?
G.B. : Clairement pas. Il y a 4 ans, on aurait rêvé de pouvoir jouer des quarts mais cette année on aurait préféré jouer directement les demies.
J.J. D : Par contre pour l’Argentine, ça a été super positif. Dans l’ancienne formule, ils n’auraient même pas pu prétendre à une médaille en finissant troisième de leur groupe.
30 | Nouveau cycle avec les Lions : Comment entrevoyez-vous le futur proche et quel est le prochain objectif ?
G.B. : Shane McLeod envisage d’incorporer des jeunes des -21 afin de voir si certains peuvent venir s’y greffer. Bref, amener du sang neuf.
J-J.D. : Là, on va surtout connaître une période un peu creuse d’ici le moins de janvier.
31 | Et votre avenir sous la vareuse nationale ?
J.-J. D. : Je me donne quelques mois pour réfléchir mais étant donné que je reprends mes études, il va falloir certains certains aménagements…
G.B. : J’ai 25 ans, j’ai un peu de retard par rapport à d’autres donc j’espère continuer cette belle histoire avec l’équipe lors de la prochaine Coupe du monde.
32 | On imagine que les ambitions vont être revues à la hausse, en équipe nationale.
G.B. : C’est clair qu’on vise un podium à chaque compétition désormais. On a ouvert une nouvelle porte et il faut maintenir le cap.
J.J. D. : C’était déjà le cas avant, donc non pas vraiment.
33 | Mais peut-être désormais le revendiquer davantage ?
G.B. : Il faut être prudent dans les annonces même au-delà de la presse. Mais aussi par rapport à nous : Imagine, on arrive et on dit : "on veut l’Or" et puis on finit 5e. Les gens vont se dire qu’on se prend la tête.
J.-J. D : Il suffit de voir l’exemple des Pays-Bas aux derniers JO pour voir que ce n’est pas toujours une bonne idée… Ça peut se retourner contre soi.
34 | Depuis cette médaille, avez-vous perçu des changements dans votre quotidien ?
J.J. D: Honnêtement, non, ça ne change pas grand-chose, même s’il y a quelques personnes qui nous reconnaissent dans la rue.
G.B.: La vie reprend doucement mais en étant un peu différente.
35 | Et dans le monde du hockey, quels sont les effets directs et indirects après avoir écrit l’une des plus belles pages de l’histoire du sport collectif belge ?
J.-J. D. : C’est sûr que quand on se dit que lors de la finale des JO, il y a 21 joueurs qui ont participé au championnat belge, on peut déjà être fier…
G.B. : Après il y a 14 Lions déjà qui jouent en Belgique, mais bon ça montre que l’attractivité de notre championnat ne fait que monter et c’est une belle pub pour le hockey belge.
36 | Comprenez-vous cette frilosité et ce réveil tardif pour diffuser des matches en télévision alors que le hockey est un sport rapide, technique et spectaculaire avec des buts réguliers ?
G.B. : Les diffuseurs il regardent quels sont les niveaux d’infrastructures. S’il y a 50 personnes qui viennent voir le match, il vont se poser des questions... Pourtant on joue au meilleur niveau. Là-dessus, avec ce bon résultat et cet engouement qui en découle, cela ne peut qu’être favorable…
J.J. D : Ils regardent surtout ce que cela va leur rapporter et c’est l’éternel problème. Il n’y a que le foot qui rapporte vraiment en terme d’audience. Mais ce qui est bien, c’est qu’ils passent malgré tout le hockey parce que ça intéresse de plus en plus les gens et pas spécialement pour l’argent. Et ça commence toujours par là.
37 | Le championnat reprend ses droits : Le niveau ne cesse de croître, les matches sont désormais diffusés à la télé. Qu’est ce qui pourrait encore être développé ou amélioré ?
G.B. : C’est sûr qu’on pourrait encore améliorer le rendu mais cela demande des moyens et du temps.
J.-J. D : Cela évolue doucement, c’est déjà positif de pouvoir voir des matchs de championnat en intégralité à la TV, sur BeTV et Telenet en Flandres !
38 | Football, sport de beauf. Hockey, sport de riches. Clichés éculés ou constats réalistes?
G.B. : Je pense que c’est un cliché dépassé. Si on dit que le foot est un sport de beauf, et bien j’aimerais en être un pour gagner autant d’argent…
J.-J. D. : C’est toujours deux milieux différents, mais l’écart se réduit.
39 | Le hockey reste un petit monde (au niveau anthropologique et géographique) : Souvent d’un même tissu social, même réseau, tradition familiale. Les nouveaux clubs qui se créent dans des régions où le hockey est inconnu ont du mal à trouver leur public. Le hockey peut-il un jour devenir un sport populaire ?
G.B. : C’est difficile d’en faire un sport populaire parce que contrairement au foot où il suffit d’un ballon, le hockey requiert un stick, une balle spécifique, une surface plane et adaptée. Le stick, ça peut être dangeureux et utilisé à d’autres fins… Le foot tu peux y jouer partout !
J.-J. D. : Cela va devenir plus populaire mais jamais comme le foot, je pense.
40 | La plupart des Red Lions sont très éduqués et peuvent s'appuyer aussi sur de solides diplômes. C'est quand même dû au fait de grandir dans un certain milieu...
G.B. : Mais cela provient aussi du fait qu’on ne peut pas vivre du hockey. Au foot, les gosses jouent dès le plus jeune âge dans des académies et ne font que ça. Et c’est ce qui rend le foot un peu malsain, c’est que les parents voient leur progéniture comme une pépite et tout ce que ça peut leur rapporter s’il réussit à percer.
J.-J. D : Aussi quand tu pratiques le hockey, on t’inculque des valeurs. C'est avant tout cela qui prime et qui doit persister quand on évoque le hockey.
41 | Vu ce niveau d'éducation, on a du mal à imaginer les discussions de vestiaire au hockey. Là où ce serait plus évident en foot par exemple. Cela parle de quoi ?
J.-J. D : Sans doute la même chose que dans de nombreux autres vestiaires.
G.B. : Oui, ça ne doit pas voler plus haut qu’ailleurs.
42 | Le hockey véhicule tout de même un esprit ultra fair-play et des valeurs de sportivité à toutes épreuves... Ouvrir votre sport à ce point représente-t-il un risque à vos yeux ?
G.B. : On ne peut pas contrôler tout le monde mais ce qui importe ce sont les valeurs que le hockey renferme et veut diffuser. Mais si nous déjà, on montre le bon exemple et qu’en club chacun y met du sien, cela va continuer sur la même lignée.
J.-J. D. : C’est exactement comme le rugby : il y a plein de profils différents et au final ils restent tous très fair-play.
43 | Pour dépasser le simple phénomène de mode, que diriez-vous aux jeunes qui hésitent entre divers sports collectifs pour opter pour le hockey ?
G.B. : C’est un sport collectif où il va rencontrer des gens avec qui il va lier des relations de longue date. Il y a une certaine fidélité par rapport aux clubs, même s’il y a des changements bien sûr. Ce n’est pas comme au foot où ce sont des pigeons voyageurs qui dégagent à la moindre opportunité.
J.-J. D. : C’est un sport original, qui évolue avec son temps.
44 | Dans la pratique même du sport, dans l'esprit et l'attitude sur le terrain, quelles sont les différences majeures selon vous avec le foot ?
J.-J.D.: J'ai l'impression qu'au foot, on t’apprend des valeurs mais que ce n’est peut-être pas aussi poussé. La pire publicité du foot pour moi c’est le coup de boule de Zidane en finale de la Coupe du monde 2006.
G.B.: En tant que fan de Zizou, cela me fait mal d'en parler...
45 | Le hockey est à la croisée des chemins, mais peut-on réellement envisager qu'il se professionnalise?
J.-J. D. : Si on continue à vouloir évoluer, on n’a pas le choix, il faudra passer par là.
G.B. : Mais la route est encore longue et les conditions ne sont pas encore toutes réunies pour l'instant...
46 | Qui dit professionnalisme accru dit aussi présence plus importante d'argent et investissement personnel encore accentué...
J.-J. D. : C’est compliqué parce que c’est une question d’argent. Ce qui est complexe, c’est que la Fédé nous demande d’être professionnels et ils ont raison. Mais dans le même temps, ça ne marche pas parce qu'on n’est pas rémunéré comme il faut. Donc, on doit faire des études en parallèle mais on ne peut les faire correctement car on nous demande d’être dispo à quasi plein temps pour le hockey. De l’autre côté, les universités ou les Hautes écoles se moquent totalement qu’on fasse du sport et ne nous offrent aucune adaptation.
G.B. : On ne demande même pas de la reconnaissance mais juste d’accepter que le sport de haut-niveau c’est jusqu’à 30 ans et que cela nécessite des ajustements dans nos programmes. Tout n’est pas mis en place pour qu’on puisse gérer tout cela sereinement.
47 | Parmi les Lions, seul Tom Boon peut-être considéré comme professionnel à 100%. C’est devenu très compliqué, voire impossible, d’allier études ou activité professionnelle avec le hockey désormais. Comment vous débrouillez-vous ?
J.-J. D. : On sait vivre du hockey aujourd’hui mais si on arrête, il faut trouver un boulot, on ne sera pas rentier. Se reconvertir dans le hockey est aussi possible, mais ce n’est pas ouvert à tout le monde. A l’époque je me suis lancé dans des études de 6 ans, si je devais les débuter aujourd’hui je renoncerais. Ce n’est plus faisable actuellement.
G.B. : Personnellement, j'ai fait le choix d'arrêter mes études, c'est comme ça.
48 | Comment êtes-vous rétribué avec les Red Lions ?
J.-J. D. : Ce qui est sûr c’est qu’on n'a pas reçu de primes, je n’ai jamais vu ça. Mais cette année, on avait un statut d’employé du COIB.
G.B. : Il y a une évolution salariale mais c’est obligatoire. Depuis les Jeux, on aura un contrat à mi-temps à durée déterminée.
49 | Un des soucis majeurs en hockey est le déficit d'infrastructures et le besoin d'espace. Comment se l'explique-t-on et surtout comment y remédier ?
J.-J. D : Pour tous les clubs, pour tous les âges, c’est un énorme problème ! En Belgique, il n'y a pas la culture du sport. Quand les gosses ont congé un après-midi, ils sont souvent devant la télé. Il y a un problème de mentalité par rapport à d’autres nations comme l’Allemagne.
G.B. : Au-delà des problèmes de terrains, il y a des soucis de vestiaires qui sont souvent assez vétustes. Cela provient d’un problème politique, c’est indiscutable. La Belgique est un pays catastrophique en matière de sport en général.
50 | Depuis la saison 2008-2009, le Watducks se partage le titre avec le Dragons : bis repetita cette année ?
G.B. : On a connu une année assez décevante en manquant les playoffs donc là on est plus motivé que jamais pour regagner un sacre.
J.-J. D. : Les objectifs au Watducks restent identiques : les playoffs. C’est très décevant mais on sera meilleur cette année. Et à mon avis, ce sera le Wadu ou le Dragons champion cette année. Sans oublier, le Racing qui est une très bonne équipe.